L’Everest souterrain du Larzac : sous le bassin versant de la source de la Buèges, au Sud du Larzac Méridional, existe un superbe réseau souterrain qui s’étire à l’abri des regards dans la zone la plus étrange du Larzac méridional.
Dès le début du 20e siècle, le célèbre géographe et père spirituel de la spéléologie moderne Edouard-Alfred Martel, avait évoqué dans son ouvrage « les Causses Majeurs », le potentiel spéléologique exceptionnel du secteur très sauvage de la zone de la Séranne, connue pour être la haute montagne du Larzac (alt. 942 m).
Il faudra attendre près de 80 ans pour les membres actifs du Groupe d’Etudes de Recherches Spéléologiques et archéologiques de Montpellier (GERSAM), au hasard de travaux de prospection, pour qu’ils découvrent un petit trou souffleur gros comme le poing. Après une trentaine de séances de désobstruction à coups de marteau et de burin, mais surtout de tirs à l’explosif, il arrivent à élargir le passage au nom évocateur de “l’accouchement”: un boyau infâme humide, très étroit, biotope idéal pour un chat maigre et nyctalope. Cette étroiture se poursuit alors sur 57 m pour déboucher sur un grand puits de 100 m de profondeur. Cette découverte en janvier 1983 permis de révéler l’Everest souterrain du Larzac : l’aven de la Leicasse.
Un des lieux les plus dangereux du monde souterrain des Grands Causses
La Leicasse, en langue d’Oc, signifie ce piège à grives rudimentaire, qui consiste à placer sous une grande « lauze » (pierre plate), supportée d’un petit bâton, des graines de genièvre pour attraper par la ruse les petits oiseaux.
La difficulté du réseau de ce gouffre, de par sa morphologie complexe en des étroitures dangereuses et difficiles, entrecoupées de puits vertigineux, humides, menaçants car sujets aux fréquentes chutes de pierres sournoises, transforma ce réseau en l’un des lieux les plus dangereux du monde souterrain des Grands Causses.
Le réseau de l’Aven ou gouffre de la Leicasse profond de -357 m sous la surface du causse, s’étire sur une distance incroyable de 22 km à ce jour planifiée et topographiée : des dimensions gigantesques ! A l’époque de sa découverte, il fallait 10 bonnes heures pour franchir les étroitures, descendre dans les puits, transporter matériel et vivres de survie. On atteignait les grosses galeries vers 200 m de profondeur. Deux parcours sublimes s’ouvraient alors : l’un au bout d’un cheminement chaotique conduisait à la fameuse salle Edmond Millhau, nom illustre d’un berger célèbre de la montagne de la Séranne. Cette salle possède les dimensions géantes de 180 m de hauteur sur 287 m de long et 96 m de large. Quand les premiers explorateurs mirent pied dans cette salle, ils croyaient qu’ils étaient sortis à l’air libre en pleine nuit noire ! Ils étaient en fait tout minuscules dans une salle géante.
Nager dans cette eau à 8° sur une longue distance n’est pas aisé
Au-delà de cette salle, après une escalade vertigineuse sur la paroi, une galerie nommée « Jean Borg » se développe dans un environnement cavernicole de toute beauté. Des myriades de concrétions de toutes formes et toutes longueurs dans une galerie blanche de calcite vous accompagnent d’un cheminement encore très difficile, pour déboucher sur un lac souterrain. Nager dans cette eau à 8° sur une longue distance n’est pas aisé, mais le spectacle en vaut le détour. A ce point, on est seulement à 26 heures de la surface, autant vous dire que tout ne fait que commencer. Il convient de se sécher et faire un bivouac, manger un morceau et dormir dans les hamacs accrochés aux parois. Température de l’air 12°, taux d’humidité 100%. Au réveil, encore des heures épuisantes pour trouver une petite rivière souterraine qui se perd dans une faille très étroite : le fond du gouffre de la Leicasse.
Une coloration à la fluoréscéine, dans cette faille impénétrable pour l’homme, est réapparue à la source de la Buèges, non loin de Saint Guilhem-le-Désert, au bout de 97 heures de cheminement. Preuve que le réseau inconnu est très important et surtout très aquatique.
Pour l’instant, personne n’a encore trouvé le passage-clé permettant de poursuivre l’exploration. L’aven de la Leicasse garde tout son secret dans ce magnifique territoire karstique, où l’eau souterraine semble si rare qu’elle se cache, pour couler bien loin de la surface ensoleillée du Causse du Larzac. Mais tous les spéléos du Larzac cherchent encore et encore…
Hubert BORG Guide spéléologue professionnel