Severa Tertionicna, la druidesse, la magicienne du Larzac est morte. Voilà presque 2000 ans, elle est partie vers le pays d’Atsagsona, déesse des enfers. Et sera incinérée, suivant les règles romaine de la Duodecim Tabulae.
Pendant que le bucher s’éteint lentement dans l’enceinte funéraire et que le vent disperse les cendres sur le causse, quelques femmes remplissent un vase en poterie sigillée de Condatomago, avec les restes calcinés de ce qui fut Severa. Réunies autour de la modeste fosse, creusée à même le sol, elles déposent l’urne cinéraire, des offrandes et des vases lacrymatoires remplis de larmes. Les chants s’élèvent, brisant le silence. L’une d’elles s’avance pour déposer une dernière prière – magique celle là – inscrite sur une mince feuille de plomb.
Le temps et les saisons sont passés. Sous les coups des invasions barbares, le champ funéraire et la petite ville antique toute proche ont disparu, ils sont devenus labour. En août 1983, une équipe d’archéologues locaux, s’active à dégager une nécropole du début de notre ère, à la Vayssière, près de l’Hospitalet du Larzac. La récolte en objets est déjà riche, prometteuse en précieuses informations. Mais la fouille de la tombe 71, retentira internationalement dans le monde scientifique de l’archéologie, en livrant le message de plomb, confié à Severa Tertionicna et envoyé vers l’au-delà par les femmes de ce bourg gallo-romain, situé au nord du Larzac.
Le mystère de la tombe 71
L’ouverture de cette tombe, datée autour de 100 ap. J-C., qui traversa intacte, dix-neuf siècles d’histoire, livrera plus de 30 vases en céramique ou en verre, une lampe, une bague féminine, un harnachement en bronze décoré et une tablette de plomb : un defixio, une incantation magique, reliant le monde d’en haut, celui des vivants, à l’univers des divinités chtoniennes du monde d’en bas. Un texte de 57 lignes et 180 mots environ. Jamais il n’avait été trouvé un document aussi long en langue gauloise, écrit en cursives latines. Sur l’ensemble des défixiones tabellae qui ont été découverts en France, seuls les plombs du Larzac (1983) de Chamalières (1971) et plus récemment de Chartres (2 tablettes découvertes en 2010) présentent des caractéristiques linguistiques similaires, à savoir l’utilisation exclusive de la langue gauloise. Une langue que longtemps, on a pensé uniquement orale et sur laquelle on ne savait presque rien.
Le defixio tabella
C’est un document énigmatique, exceptionnel, presque 60 lignes d’incantations et d’envoûtements en gaulois, qui commencent ainsi «…insinde se bnanom brictom anuana san-anderna uidlu uidluias ligontias eianom brictom so Adsagsona uo-lunget uo dunoderce Seuerim Tertionicnim lissalim liciatim eianom uto-nid ponc ni-lixintor sies dus-celi-natia internonanuana esi…». Ceci est un charme de femmes magiciennes, ensorcelant des sorcières. Adsagsona, regarde par deux fois au fond de la tombe de Severa Tertionicna, la magicienne de fil et d’écriture et renvoie leurs maléfices à celles qui sont nommées, libère ceux qu’elles ont frappé d’envoutement (traduction adaptée , pour la compréhension homogène du texte, à partir de l’analyse sémantique originale). L’étude du texte a duré de nombreuses années notamment dans les laboratoires du Musée du Louvre et améliora la connaissance linguistique du gaulois, mais aussi relança le débat sur les pratiques magiques de la Gaule romanisée des premiers siècles.
Adsagsona une déesse des enfers, vénérée sur le Larzac
A l’époque antique, dans l’Empire romain, la magie et la religion sont étroitement liées. Les habitants du Larzac, eux aussi avaient leurs dieux à cette époque, sans doute un panthéon peuplé de divinités celtes, romaines, grecques ou égyptiennes auquel ils demandaient d’exaucer leurs prières, en promettant de les honorer. Le plomb du Larzac s’adresse à Adsagsona, qui pour certains chercheurs est à rapprocher d’Adsagonda une déesse infernale, invoquée dans le domaine judiciaire et que l’on implorait pour être réhabilité en justice. Compte tenu de cette découverte, il est vraisemblable que de nouvelles campagnes de fouilles sur ce site permettraient d’identifier, d’autres cultes locaux.
Cet artefact à été confié en dépôt au Musée de Millau, et le Musée du Louvre à offert à l’Hospitalet du Larzac une reproduction d’étude, identique à l’original, conservée actuellement dans les vitrines du Musée local, avec une grande partie des objets trouvés sur le site de la Vayssière.
Merci à Philippe et l’équipe de l’Archéomusée du Larzac.